Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Piègée

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Elle est jeune, certains la disent belle, mais lorsqu’elle se voit dans le miroir de sa chambre, elle ne se reconnait pas, elle ne voit, que ce qu’elle n’est pas.

On la croit heureuse parce qu’adulée par des tas d’admirateurs. Mais le succès fait-il le bonheur ? Ses gestes sont pleins d’une grâce innée. Sa démarche chaloupée soulève bien souvent les regards des curieux ou des admirateurs. L’envie, ou la férocité des femmes. Tout en elle est harmonie.

 

Elle, elle ne sait que le chaos qui crée des marées insidieuses dans tout ce qu’elle ressent, qui bouleverse bien souvent son ventre, son cœur. Rien n’est simple pour elle. Dehors, elle a appris à afficher le sourire béat qui sied à son image. Mais dedans, qui se préoccupe de ce qu’elle cache si bien ?

 

Enfant souvent elle aspirait à être grande. Elle s’imaginait maman. D’ailleurs, elle s’entrainait avec ses nombreuses poupées. Puis elle avait grandi et sous le poids des fantasmes maternels et paternels, elle avait entrepris de gagner les podiums. Elle avait appris à marcher d’une certaine manière, à sourire aux objectifs, à charmer les directeurs de castings, les chefs de pub.

Bref, jamais, elle n’était naturelle. Tout en elle était étudié, calculé, pour être au plus juste de ce que tous attendaient d’elle.

 

Ce matin, elle avait décidé que cela ne pouvait plus durer. Elle s’était assise à sa coiffeuse  dans le magnifique château où elle vivait depuis près de dix ans avec ses parents. Cette bâtisse, froide, lugubre, ils l’avaient achetée pour elle, disaient-ils. Pour leur princesse.

 

Elle, elle n’en avait jamais voulu. Elle se moquait de ses robes magnifiques, de ses salles immenses et dorées comme des putes de luxe. Elle sentait une colère sans nom, monter en elle et sur le point de l’engloutir. Elle se faisait de plus en plus violence pour ne pas exploser et laisser jaillir cette fureur dont elle était la victime. Pas l’instigatrice, et pourtant... Combien de fois n’avait-elle rêvé de se jeter à corps perdu dans un rejet de tout ce qu’ils lui avaient imposé avec leurs rêves sordides. Elle n’avait plus aucune force, elle savait que le barrage de ses rêves engloutis était sur le point de céder. Lorsque cela arriverait, le flot destructeur emporterait tout.

 

Une fois de plus, elle sort de sa chambre en trainant les pieds.

Une fois de plus, elle va dans le parc essayer de renouer avec la nature qui est la seule à savoir l’apaiser.

Une fois de plus, elle se dirige vers le grand chêne son seul ami dans cette maison glaciale. Elle le prend dans ses bras, pose son visage épuisé sur son tronc et ferme les yeux. Elle sent à travers la paume de ses mains la force de l’arbre qui entre en elle.

Sa respiration se fait plus calme, se calant sur le bruit des feuilles caressées par le vent. Il n’y a qu’à cet endroit du monde qu’elle arrive à se retrouver, elle, pas la miss des podiums, non elle, la petite Maud, l’enfant qui jouait les divas dans l’escalier de ses parents, rêvant d’être une grande comédienne, une diva des plateaux.

Mais les rêves ne doivent-ils pas rester ce qu’ils sont ? Des moments d’abandon donnés aux enfants pour qu’ils s’évadent. C'est décidé, ce soir elle quittera ce château maudit.

 

Maridan Gyres

 



18/07/2014
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