Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Dites je t'aime aux vivants

 

 

Mon père ma douleur

 

Il y a des mots qui franchissent difficilement nos lèvres des mots aussi simple que "je t'aime" peuvent être insurmontable à cause d'une éducation ou d'une pudeur, ou d'une méconnaissance de cet amour.

 

Quand ai-je commencé à comprendre? C'est encore un mystère pour moi, à l'annonce de ta maladie, j'ai pris conscience en trente secondes que je t'aimais infiniment avec mon cœur, mon âme, mes tripes.

 

Il a suffi d'un seul mot "cancer" pour que les vannes d'un amour tût depuis des années s'ouvrent.

 

On accouche dans la douleur, mais au bout du compte il reste un petit être plein d'amour qui nous fait oublier la douleur et par la suite on appelle cela le mal joli.

 

Mais pour toi nous te perdons dans la souffrance. Nous ignorions que l'annonce de ta maladie pouvait nous briser ainsi, nos cœurs éclatent nos yeux s'inondent tout notre corps se révolte.

 

Bien sur c'est dans l'ordre des choses de voir ses géniteurs partir. Mais pas toi, pas notre père, pas à 66 ans, pas si tôt et pas comme cela, dans la dégradation physique, dans la souffrance, dans l'abandon de ton corps.

 

Il y a la raison qui nous pousse à accepter et nos cœurs qui veulent hurler, face à notre souffrance il y a celle de maman qui se meurt avec toi, qui voudrait partir et que nous voulons voir rester. Parce que sans elle il n'y a pas d'espoir en la suite. Et puis il y a nos enfants, Jean-Christophe, Alexia et Dimitri, ton dernier petit fils que tu auras eu la joie de voir une dernière fois.

 

Je t'entends nous dire 10 fois par jour que tu nous aimes, c'est une mélodie douce à nos oreilles, mais c'est aussi une déchirure une blessure qui ne guérira pas, c'était si facile de te non dire et à grand coup de déclaration d'amour tu nous as offert une image de toi qui ne s'effacera pas.

 

Et cet amour il m'est aussi précieux que celui de l'homme que j'aime, pourquoi la vie n'est-elle pas plus simple, pourquoi faut-il vivre en se déchirant en se mal aimant, pourquoi faut-il la douleur, la peur de l'absence pour enfin se dire tout ce que l'on se tait au fur et à mesure que le temps passe, que les jours se meurt, et que l'inéluctable se déverse en un flot ininterrompu de terreurs qui s'éveillent.

 

Mon père, ma citadelle, ma force, que pouvons nous être sans toi, qui nous donnera des vérités toutes faites, qui nous sortira de nos mauvais pas?

 

Papa chéri,

 

Aujourd'hui nous sommes le 21 mars 2000, et j'apprends avec horreur que tu as des métastases au cerveau, le docteur te donne tout au plus six mois à vivre, à vivre comment….., je ne veux pas t'imaginer diminué. Papa je t'aime tellement, je te l'ai si peu dit, et il me reste si peu de temps, comment te le dire sans t'effrayer, car toi qui me connais si bien, tu comprendrais de suite qu'il y a une échéance à ma déclaration.

 

 

Je hais tes médecins qui nous infligent tour à tour de bonnes et de mauvaises nouvelles, hier soir je me suis couchée heureuse, ta tumeur au poumon avait disparue, je te voyais déjà reprendre ton vélo et nous trainer tous ensemble à la plage, il n'y aura plus de plage pour nous, ou plutôt nous aurons à nouveau des plages mais sans toi. Je hais cette maladie odieuse qui t'arrache à nous je te hais de t'être laisser ainsi attraper, et je me hais de n'avoir pas su te dire à temps tout ce que j'écris à présent. Il y a toute la tristesse de maman qui jusqu'au bout t'auras tenu la main en espérant un miracle qui n'est pas venu.

 

C'est drôle cette nouvelle nous broie le cœur, et toi couché sur ton lit tu le devines, alors tu nous remontes le moral, c'est curieux non? Nous devrions être là à te dire que ce n'est pas grave que tu vas t'en sortir, et rien ne vient c'est encore toi l'homme fort de la situation.

 

Il est 21heures maman vient de m'appeler, elle t'aime tant, elle souffre encore plus que moi, elle n'envisage pas la vie sans toi, c'est drôle pour la première fois depuis des mois, c'est elle qui me remonte le moral, tu vois une fois encore vous faites la paire, je suis désespérée, je pleure toutes les larmes de mon corps et vous voilà comme vous avez vécu unis et fort pour me soutenir. Si tu savais comme je peux vous aimer.

 

Daniel est là qui me soutient et qui m'aide également, il a appris à t'aimer pendant toutes ces années et tu sais comme cela était mal parti pourtant. Tu l'as toujours agacé avec tes certitudes, tes idées toutes faites, tes prises de position bornées qui nous énervaient tous tellement et qui vont tant nous manquer à présent.

 

Maman me dit que ce soir tu l'as regardé différement, c'est étonnant non, ce regard lui donne la force de se battre pour t'aider, elle me demande d'être forte, je vais essayer. Je te fais une promesse papa, ces mots je te les lirai avant qu'il ne soit trop tard, juste avant que tu ne nous quittes, pour que tu saches à quel point nous avons pu t'aimer et te chérir et ce malgré nos colères, malgré nos coups de gueule. Papa je t'aime et à jamais tu resteras le héros qui nous a toujours guidé à travers les embûches et qui a toujours était là dans les moments durs que la vie nous a réservé.

 

Zaza qui t'aime

 

Villeneuve le 15 Mai 2000

 

Papa, tu nous as quittés, ces mots je ne te les ai pas lus, mais qu'importe je te les lirai demain, et si Dieu existe il les portera jusqu'à toi.



18/01/2024
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