Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

D'après "l'amant de Mireille Sorgues"

A partir d'un extrait de l'Amant de Mireille Sorgue (entre les guillemets)  j'ai écrit les mots qui suivent :

 

<< Nos têtes roulent et nos mains projetées retombent éparses, poignets brisés, roués, ou se perd notre sang. Nos mains sont mortes mon amour, je n’ai plus de mots pour survivre. »

 

Nos frères et sœurs sont là, serrés les uns contre les autres et contre nous. Chez eux aussi le sang a coulé, il a tâché leurs corps et leurs vêtements. Où nous conduisent-ils dans ces wagons bouclés et noirs comme l'enfer. J'ai peur comme toi mon pauvre amour mais je ne te le montre pas. Ils nous ont ravi nos enfants, la chair de notre chair. Ils sont français, cette terre d'espérance où nous nous étions fait une vie simple mais heureuse. Ce ne sont pas les allemands qui nous ont conduits à ce maudit train de la folie en marche. Non, ce sont nos compatriotes, nos voisins, nos amis d'hier. Je ne comprends plus rien à ce monde, alors je lutte contre la terreur qui m'envahit et que je ne veux surtout pas te communiquer.

Je reste fort mon amour, pour préserver en toi une lueur d'espoir. Le départ de nos enfants t'a anéantie, déchirée en deux. Ton âme et ton cœur sont restés attachés à nos deux petits bonhommes que nous aimons tant, qui nous sont si chers. Alors je te serre très fort contre moi mon ange. Mon corps fait écran pour te protéger des mouvements de ce train qui nous projette les uns contre les autres. Le roulement sur les rails entraine en un flot bruyant et dévastateur nos pensées les plus sombres. Certains s'écroulent épuisés, harassés de fatigue. Ils ne se relèveront pas. Ils meurent sous nos pieds nous offrant ainsi un peu plus d'espace. Mais cet espace nous le payons très cher.

Les corps morts, de plus en plus nombreux au fur et à mesure que notre convoi fonce dans la nuit noire, se décomposent en une puanteur abominable. Pas de lieux d'aisance dans ce wagon maudit. Quand donc finira ce voyage au bout de quelle l'horreur nous conduisent-ils?

 

Certains pour échapper à cet enfer sombrent dans la folie. Je lutte contre cette fatalité vers laquelle je te sens partir désespérément. Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. Je m'accroche contre toute logique à cette idée comme à une main tendue au dessus du vide. Ne m'abandonne pas mon amour, lutte avec moi. Ensembles nous sommes plus forts que nos bourreaux. Notre religion nous a conduit là où nous sommes, qu'importe. La Tora ne dit-elle pas que le paradis nous attend. Garde l'espoir ma douce, toutes les guerres finissent un jour. Bats toi encore un peu pour nos deux petits anges. Il nous faudra les retrouver lorsqu'enfin cette horreur prendra fin et que nous serons de nouveau libres. Je t'aime, ma vie, mon ange, mon amour, aujourd'hui, demain et à jamais

 

Maridan 5/11/2012

 

Mon amour m’ayant dit que mon premier texte était trop sombre en voici un second plus léger.

<< Nos têtes roulent et nos mains projetées retombent éparses, poignets brisés, roués ».

 

 L’amour nous a rompus. Nos corps entrelacés après tant d’effort aspirent au repos. Repos au creux de tes bras ma vie, havre douillet ou tout me semble sans importance. Plus rien ne m’atteint dans cet ilot précieux. Par la fenêtre j’aperçois le ciel d’un bleu intense. La ligne d’horizon est si claire qu’on la croirait blanche. Plus mon regard monte vers le ciel, plus le bleu s’intensifie. Des nuages immaculés semblent avoir été posés là pour donner à l’ensemble une douceur cotonneuse propice au repos.

Un peintre facétieux, à l’aide d’une brosse sèche, a brossé les nuages leur créant ainsi une chevelure légère qui ondule au gré du vent. Mes yeux suivent cette chevelure aérienne. Tu t’es assoupi tandis que je contemplais le ciel.

Voir ton visage au repos est un délice pour moi. Enfin, tu déposes les armes. J’aime chacune de tes rides. Elles sont l’empreinte des bons et des mauvais jours. Tout en toi m’émeut. Les bouclettes de tes cheveux qui avec le temps se sont clairsemés. Ton large front volontaire qui affirme cet homme a du caractère. Tes yeux clos à présent mais dont la lumière kaki ensoleille ma vie. Tes pommettes et tes épaules hautes qui te font une allure de gladiateur des temps modernes. Ta figure tout entière semble avoir été taillée à la hache et c’est cette force qui rejaillit de chacun de tes traits. Et puis il y a ta bouche source de toutes mes joies. Celle qui m’a réconciliée avec mon enfance brisée, celle qui me console dans les moments difficiles de l’existence, comme à la mort de mon père,  et enfin celle qui me tourmente parfois quand je te déçois et que tu ne trouves pas les mots pour me le dire autrement que par la colère. Je t’aime pour tout cela qui te fait toi.



04/08/2014
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