Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Mon père ce héros

L'Ange-Gardien des Forces de la Vie : kdo pour vous

Mon père ma douleur

 

Il y a des mots qui franchissent difficilement nos lèvres, des mots aussi simples que "je t'aime" peuvent être insurmontables à cause d'une éducation, d'une pudeur, ou d'une méconnaissance de cet amour.

 

Quand ai-je commencé à comprendre ? C'est encore un mystère pour moi, je suis passée trois mois entre les pattes d'un psychiatre pour comprendre que je ne te détestais pas, j'ai pris conscience en trente secondes que je t'aimais infiniment avec mon cœur, mon âme, mes tripes.

 

Il a suffi d'un seul mot "cancer" pour que les vannes d'un amour tût depuis des années s'ouvrent enfin.

 

On accouche dans la douleur, mais au bout du compte, il reste un petit être plein d'amour qui nous fait oublier la douleur. Par la suite on appelle cela le mal joli.

 

Pour toi, je parente dans la souffrance, j'ignorais que l'annonce de ta maladie pouvait me briser ainsi, mon cœur éclate, mes yeux m'inondent, tout mon corps se révolte.

 

Bien sûr, c'est dans l'ordre des choses de voir ses géniteurs partir. Mais pas toi, pas mon père, pas à 66 ans, pas si tôt, et pas comme cela, dans la dégradation physique, dans la souffrance, dans l'abandon de ton corps.

 

Qui est ce vieillard que je te vois devenir, qui a osé te faire cela, au nom de quel Dieu, peut-on infliger une telle souffrance, tu es trop jeune, tu es mon père et j'ai encore besoin de toi.

 

Il y a ma raison qui me pousse à accepter, il y a mon cœur qui veut hurler. Face à ma souffrance, il y a celle de maman qui se meurt avec toi, qui voudrait partir et que je veux voir rester.

 

Parce que sans elle, il n'y a pas d'espoir en la suite. Et puis il y a mes enfants, mon fils qui n'accepte pas et ma fille qui ne réagit pas, elle semble accepter ce qui lui paraît une normalité. Pourquoi peut-elle l'accepter et pas moi?

 

Je t'entends me dire dix fois par jour que tu m'aimes, pourquoi t'a-t-il fallu si longtemps pour me le chanter. C'est une mélodie douce à mes oreilles, mais c'est aussi une déchirure, une blessure qui ne guérira pas, c'était si facile de ne pas t'aimer ou plutôt de non t'aimer, de te non dire, de ne pas accepter ce qui a été mon enfance, ce que je croyais volé et que tu me rends à grand coup de déclaration d'amour.

 

Et cet amour il m'est aussi précieux que celui de l'homme que j'aime, pourquoi la vie n'est-elle pas plus simple ? Pourquoi faut-il vivre en se déchirant en se mal aimant ? Pourquoi faut-il la douleur, la peur de l'absence pour enfin se dire tout ce que l'on se tait au fur et à mesure que le temps passe, que les jours se meurent, et que l'inéluctable se déverse en un flot ininterrompu de terreurs qui s'éveillent ?

 

Je cours en tous sens, je m'évade, je brise tout sur mon passage mes valeurs, mes convictions, mes idées, mes joies, mes douleurs, mes bonheurs, mes tabous, mes passions, mes illusions, mes vérités. Tout explose, je vois avec horreur ma vie s'écrouler avec toi, et je sais que tu n'en aies pas responsable. Tu n'es que le révélateur de toutes mes terreurs qui se révèlent et menacent de m’engloutir. En un mois, j'ai vu ma vie basculer, je ne sais plus où j'en suis, je ne sais plus qui je suis, comment vais-je sortir de ce fatras ? Y a-t-il seulement une solution à ce chaos ?

 

Mon père ma citadelle, ma force, que puis-je être sans toi ? Qui me donnera des vérités toutes faites, qui mentira aussi bien que toi ? Dieux du ciel que j'ai pu te haïr, te maudire, t'en vouloir d'être ce que tu es, de ta faiblesse, de ta force qui a brisé maman, et qui nous a brisés dans le même mouvement. Mon frère me disait tout à l'heure que tu avais étais sa terreur et ce, toute son enfance, j'ai toujours cru que tu étais son héros, son ami, son confident. Une fois de plus je m'étais trompée, il dit s'en être très bien sorti. Je n'en suis pas si sûre, il est fragile, peut-être encore plus que moi, je me reconstruirai papa, même si pour cela je dois tout remettre à plat.

 

J'ai commencé, je ne dis pas que c'est facile, mais j'essaie, mes rapports avec les hommes sont ambigus à cause de toi, c'est certain, je ne voulais pas être sous dépendance, tu m'as donné l'exemple de tout ce que je peux exécrer chez un homme, je les ai tenus à distance, je me suis trouvé un homme tendre, doux et fort à la fois, qui ne m'a jamais étouffée. Il a payé cher tes erreurs, et les miennes par la même occasion. Il est ma force, ma douleur, ma faiblesse et mon amour, sans lui je meurs, je m'étiole et je me fane, et pourtant je vois quelques fois dans ces yeux une souffrance dont je pense être responsable, je ne suis sans doute pas telle qu'il m'aurait voulue.

 

Je t'écris et j'écoute une merveilleuse chanson qu'il a aimée pour moi, et qu'il m'a fait découvrir lorsqu'il était en Arabie. Cette chanson je l'écoute à chaque fois que je suis triste, c'est comme une punition qui me rappelle à quel point il a pu souffrir par ma faute. C'est sans doute la plus belle déclaration qu'un homme puisse faire à une femme. Je le crois fidèle, je me trompe peut-être, une chose est sure, je n'ai jamais douté de son amour pour moi, il a su me donner confiance en moi, grâce à lui j'ai appris à m'aimer un petit peu, et de ce fait à m'ouvrir aux autres.

 

Je pense qu'il est la seule personne qui me connaisse vraiment, tous les autres ne voient que ce que je montre. Même vous, vous ne me connaissez pas, mais c'est peut-être mieux ainsi, mon Dieu papa, comme j'aimerais te montrer ces lignes, mais à quoi bon, cela te ferait sans doute plus de mal que de bien, tu y verrais l'amour que j'ai pour toi, mais aussi le mal que tu nous as fait, les gens nous croient forts mon frère et moi, mais je crois qu'au fond nous sommes restés deux pauvres mômes un peu déboussolés.

 

31 janvier 2000

 

Papa chéri,

 

Aujourd'hui, nous sommes le 21 mars 2000, et j'apprends avec horreur que tu as des métastases au cerveau, Chaumas te donne tout au plus six mois à vivre, à vivre comment… Je ne veux pas t'imaginer diminué. Papa je t'aime tellement, je te l'ai si peu dit, et il me reste si peu de temps, comment te le dire sans t'effrayer, car toi qui me connais si bien, tu comprendrais de suite qu'il y a une échéance à ma déclaration.

 

Je hais tes médecins qui nous infligent tour à tour de bonnes et de mauvaises nouvelles, hier soir je me suis couchée heureuse, ta tumeur au poumon avait disparu, je te voyais déjà reprendre ton vélo et nous trainer tous ensembles à la plage, il n'y aura plus de plage pour nous, ou plutôt nous aurons à nouveau des plages, mais sans toi. Je hais cette maladie odieuse qui t'arrache à nous, je te hais de t'être laissé ainsi attraper, et je me hais de n'avoir pas su te dire à temps tout  ce que j'écris à présent et que de tout manière je ne te dirai pas ou ne te lirai pas.

 

C'est drôle cette nouvelle me broie le cœur, et toi couché sur ton lit tu le devines, alors tu me remontes le moral, c'est curieux non? Je devrais être celle qui te dit que ce n'est pas grave que tu vas t'en sortir, et rien ne viens. C'est encore toi l'homme fort de la situation. J'ai passé tout samedi matin a expliquer à maman qu'elle ne devait pas se suicider que nous avions besoin d'elle, que ses amies avaient besoin d'elle, Lolita comme les autres. Et puis moi, Lionel et les enfants qui l'adorent. Et là, face à toi, je ne suis qu'une gamine qui retrouve sa timidité d'enfant face à ce père toujours si fort.

 

Papa je ne veux pas te perdre, je ne veux pas que tu me quittes, je ne fais que des conneries depuis que tu es tombé malade, je cherche ailleurs cette force que je ne trouve plus auprès de toi, je me détruis à te perdre, et je me hais pour cette faiblesse.

 

Il est 21heures maman vient de m'appeler, elle t'aime tant, elle souffre encore plus que moi, elle n'envisage pas la vie sans toi, c'est drôle pour la première fois depuis des mois, c'est elle qui me remonte le moral, tu vois une fois encore vous faites la paire. Je suis désespérée, je pleure toutes les larmes de mon corps et vous voilà comme vous avez vécu unis et forts pour me soutenir. Si tu savais comme je peux vous aimer.

 

Mon ange est là qui me soutient et qui m'aide également, il a appris à t'aimer pendant toutes ces années et tu sais comme cela était mal parti pourtant. Tu l'as toujours agacé avec tes certitudes, tes idées toutes faites, tes prises de position bornées qui nous énervaient tous tellement et qui vont tant me manquer à présent.

 

Maman me dit que ce soir tu l'as regardé différemment, c'est étonnant non, ce regard lui donne la force de se battre pour t'aider, elle me demande d'être forte, je vais essayer. Je te fais une promesse papa, ces mots je te les lirai avant qu'il ne soit trop tard, juste avant que tu ne nous quittes, pour que tu saches à quel point nous avons pu t'aimer et te chérir, et ce malgré nos colères, malgré nos coups de gueule. Papa je t'aime et à jamais tu resteras le héros qui nous a toujours guidés à travers les embûches et qui a toujours était là dans les moments durs que la vie nous a réservés.

 

Zaza qui t'aime

 https://static.blog4ever.com/2013/02/727680/tristesse-21-08-2014.png

 Illustration de http://graphosoleil.blog4ever.net/tristesse-21-08-2014

 

C’est fini ! Tu nous a quitté le 14 mai, nous t’avons veillé toute la nuit et tu as attendu que nous partions pour t’éteindre. Au cœur de cette nuit de veille, j’ai entendu ton rire. C’était un rire jeune, joyeux, tu as retrouvé ton souffle, juste pour cette explosion de joie. Je sais que tes parents étaient là. Il y avait ton chien Prince ainsi que tes chats Bouli, Kiki, la puce, tous tes animaux, ton affreux canard boiteux, mais aussi ton ami d’enfance, Marcel, trop tôt disparu. Ce rire, m’a redonné du courage.

Je n’ai pas eu la force de te lire mes mots. C’est Yvette et ma fille qui s’en sont chargées. Tu étais beau auréolé de toutes les roses de nos jardins. Tu es parti en paix, et c’est ainsi que désormais, nous penserons à toi. Au revoir papa, nous nous reverrons un jour, j’en suis aujourd'hui convaincue.

 

20/05/2000

 



20/08/2014
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