Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Le chien de Goya

Il était venu là, comme on part en guerre. Son maître l’avait abandonné au bord de la route, attaché à un arbre. Au début, il avait cru à un nouveau jeu. Il avait jappé, remué la queue comme un fou, car il savait que son petit maître adorait cela. Et puis, lorsque la voiture s’était éloignée, il avait vu les yeux pleins de larmes de son petit maître.

 

Il l’avait vu ouvrir la bouche en un long cri silencieux. La mère s’était retournée et sa main avait volé vers le jeune visage. Alors les yeux aimant l’avaient quitté et la voiture avait fini par disparaître. La nuit était tombée, mais il avait quand même attendu. Ils allaient revenir c’est sûr… On ne renonce pas aussi facilement à un amour de cinq ans et à des balades partagées avec un ami aussi fidèle que lui… Rien qu’au souvenir de ces promenades forestières, son cœur s’enflait de gratitude.

 

Malheureusement, le jour était venu et nul n’avait délivré le bel animal. Ses oreilles avaient plongé vers le sol et il avait compris que s’il voulait survivre, il allait devoir se battre. Alors, il s’était débattu contre ce lien qui lui serrait le cou, il avait rongé millimètre après millimètre l’épaisse corde qui l’entravait. Au bout de ce qui lui avait paru des heures, il avait fini par se libérer, mais son cœur était brisé.

 

Abandonné !

 

Tandis qu’il tente de remonter cette pente dans l’obscurité, il ne comprend plus rien aux hommes. Comment peuvent-ils être aussi cruels ? Pourquoi ne savent-ils pas se contenter de l’amour qu’on leur offre si généreusement ? Y-a-t’il un seul jour où j’ai manqué à mon rôle de plus fidèle ami de l’homme ? Pourtant, j’ai tant supporté, accepté, sans jamais faillir ! Jamais, je n’ai porté de jugement, jamais, je n’ai grogné contre l’injustice ! Et pourtant, tant de fois, je les ai vu agir, sans discernement, sans penser au lendemain…

 

Déjà, trois jours que je marche sans me nourrir. De temps en temps, je trouve quelques flaques où me désaltérer, combien de temps encore avant de trouver une âme charitable pour me recueillir ? Tandis que j’erre à la recherche d’un lieu où reposer mes pauvres pattes sanglantes, je repense à ce que je croyais mes belles années. Je suis si las à présent ! Je n’ai plus le goût de vivre, alors, à quoi bon, continuer à avancer ? Pourquoi ne pas me coucher là au bord de ce ruban gris, où j’ai vu disparaître mon petit maître…

 

Je suis si fatigué… j’ai faim… j’ai trop chaud, j’ai soif et plus que tout j’aspire encore à être aimé….

 

Maridan 1er juin 2014



01/06/2014
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